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Le Musée de l’Humour de Tolentino met le BD-journalisme à l’honneur

Le BD-journalisme n’est pas mort, bien au contraire. C’est ce qu’entend prouver le Musée International de l’Humour dans l’Art de Tolentino, en Italie, depuis le 14 avril dernier jusqu’au 16 septembre prochain, en mettant à l’honneur huit BD-reporters à travers l’exposition « Nuvole di confine – Graphic Journalism. L’arte del reportage a fumetti » (Nuages de frontières – BD-journalisme. L’art du reportage en bandes dessinées).

Le BD-reporter ou dessinateur-reporter utilise le dessin comme arme d’information et de partage. Comme n’importe quel reporter, il  se rend sur place, prend des notes et retranscrit ses impressions. Une mouvance entre art et journalisme. L’exposition « Nuvole di Confine – Graphic Journalism. L’arte del reportage a fumetti » se déroule à l’occasion de la revue « Tolentino Humour » et met à l’honneur huit BD-reporters: Guy Delisle, Sarah Glidden, Aleksandar Zograf, Marco Corona, Lamia Ziadè, Vincenzo Filosa, Josh Neufeld et Paola Cannatella e Giuseppe Galeani.

Le communiqué imprimé du musée informe que « les auteurs cherchent à interrompre le tragique du moment en exploitant l’humour, parfois noir« . « Contrairement  au roman graphique avec lequel il partage le moyen d’expression de la bande dessinée, l’objet de la narration n’est pas la fiction mais la chronique d’évènements liés à l’actualité, à des situations socio-politiques particulières, à des pays où la liberté d’expression est contestée ». L’art devient alors un « instrument de communication et d’information« .

Mais, autant artiste que journaliste, le dessinateur-reporter, avant de pouvoir dénoncer, doit tenir compte des nouveaux usages liés à l’évolution du journalisme. Les BD-reporters se mettent à la page, utilisent le web et rivalisent d’idées pour obtenir leur place dans un milieu bouché et concurrentiel.

Tenir un blog

Comme tout artiste au sortir des écoles d’art, le dessinateur-reporter se doit de mettre en ligne son travail via un site internet ou un blog afin de se faire connaître et de se démarquer de ses contemporains. Guy Delisle, auteur québécois des « Chroniques de Jérusalem », qui possède à la fois blog et site internet, étonne avec ses croquis en 3D (les croquis sont sur le blog):

La 3D est créée par la juxtaposition de deux images, ou plus.

Palestine.

D’autres misent sur une présentation interactive, comme Aleksandar Zograf, dessinateur serbe qui raconte notamment la vie courante en Serbie pendant la guerre en ex-Yougoslavie, qui s’est auto-représenté, avec plusieurs expressions, dans son menu. Même chose pour Lamia Ziadé, artiste et illustratrice libanaise, qui a mis en place une galerie défilante pour présenter ses dessins.

Aleksandar Zograf se dessine avec plusieurs expressions.

Lamia Ziadé propose aux visiteurs un menu déroulant. Ceux-ci peuvent donc faire défiler les différentes illustrations ou les photographies d’exposition.

Rendre ses dessins vivants

Le BD-reporter, qui, auparavant, griffonait des illustrations sur son carnet au coeur de l’action, est aujourd’hui à la fois graphiste et réalisateur. Plus que le dessin, certains reporters animent leurs personnages et leurs donnent vie dans des films documentaires, sous le modèle de Valse avec Bachir, qui peut-être qualifié de premier documentaire animé. Paul Wells, journaliste canadien, donne une définition au documentaire animé: « Le documentaire animé est un film d’animation à tendance documentaire. Plus le film d’animation opte pour une représentation réaliste des choses, en ayant recours aux usages habituels des films documentaires (utilisation d’une forme de narration propre au documentaire, présentation d’informations réelles et précises, interview avec des experts, etc.), plus il s’approche du film documentaire ». (ici)

Patrick Chappatte, dessinateur de presse suisse, a illustré son voyage au Sud-Liban en février 2009 et en a tiré un documentaire animé de 11 minutes, « Liban: la mort est dans le champ », où il raconte comment les habitants de cette région vivent sous la menace des armes à sous-munitions.

Même initiative pour Guy Delisle qui s’est essayé à ce nouvel usage de l’information dessinée. Il reste néanmois, pour l’instant, dans un format court (de quelques secondes à quelques minutes) et traite de sujets plus légers. Un exemple ici avec « trois petits chats… », un court-métrage pour enfants.

Les dessinateurs d’audience ou reporters-aquarellistes

Depuis la loi du 6 décembre 1954, les caméras et appareils photos sont interdits dans les salles d’audience, afin d’empêcher les journalistes de perturber les débats ou le travail de la justice. Le dessinateur d’audience prend la place du photographe ou cameraman potentiel est, en cela, peut-être considéré, lui aussi, comme un journaliste. Le dessinateur d’audience, ou reporter-aquarelliste, capte l’information et la transmet subjectivement par le dessin.

Procès de Lockerbie dépeint par le dessinateur d’audience David Wasserman.

L’aquarelle est d’ailleurs de plus en plus utilisée, ici pour le procès Lockerbie, aux Pays-Bas, ou, plus récemment, au procès Clearstream, dépeint par Noëlle Herrenschmidt.

Dans le prétoire.

Le BD-journalisme a le vent en poupe et n’a pas encore fini de nous étonner; Nuvole di Confine est là pour en témoigner.

Petit aperçu de l’exposition et interview de Guy Delisle pour les italianophones: